MAGAZINE CONSTAS

De l’énergie à revendre

Les interconnexions jouent un rôle crucial dans les exportations d’Hydro-Québec

À l’heure actuelle, Hydro-Québec dispose de 15 interconnexions, dont 6 en courant continu. Et il s’en ajoutera bientôt une nouvelle pour acheminer l’électricité produite ici vers le Massachusetts: le New England Clean Energy Connect (NECE).

Les réseaux de transport d’électricité n’ont pas de frontières, du moins celui d’Hydro-Québec. Il n’empêche, pour approvisionner ses voisins limitrophes, la société d’État doit recourir à des équipements sophistiqués afin de raccorder des réseaux asynchrones. Et c’est là qu’entre en jeu l’interconnexion, cette liaison permettant les mouvements d’énergie entre réseaux étrangers.

Par Marie Gagnon

Depuis bientôt 40 ans, Hydro-Québec vend de l’électricité sur les marchés du nord-est de l’Amérique du Nord. L’hydroélectricité québécoise est en effet très prisée sur les marchés hors Québec, car elle permet à la fois de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et de profiter de prix très compétitifs. À telle enseigne que ses ventes nettes à l’exportation ont atteint en 2018 le volume historique de 36,1 térawattheures (TWh), c’est tout dire.

Pour exporter de tels volumes, la société d’État peut compter sur quinze interconnexions avec les réseaux canadiens et américains. « Il y a quatre réseaux de transport en Amérique du Nord et aucun n’est en phase avec les autres, relève Vincent Fihey, ingénieur en planification du réseau pour Hydro-Québec. Pour s’y raccorder, on doit absolument transformer le courant alternatif en courant continu, où le courant continu agit comme tampon (buffer). Et pour transformer le courant, on établit une connexion asynchrone, en recourant à des convertisseurs. »

Transformation extrême

Le principe est simple. Le courant alternatif, qui transite à une tension de 735 kilovolts (kV) et à la phase propre au réseau québécois, entre dans le convertisseur, où il passe à travers des disjoncteurs, des sectionneurs et des jeux de barres. Ces équipements protègent la ligne contre les surcharges électriques et aiguillent le courant vers des transformateurs de puissance, où il est abaissé à une tension de 400 kV.



Le courant traverse ensuite des valves à transistors, qui transforment le courant alternatif en courant continu à 320 kV. La phase du courant ainsi obtenu est maintenant nulle et le courant peut alors être envoyé sur le réseau étranger, où il sera reconverti en courant alternatif afin d’être utilisé. « Ces convertisseurs sont habituellement intégrés à des postes existants, dans lesquels il y a déjà de la transformation », précise Vincent Finhey.

L’hydroélectricité québécoise est très prisée sur les marchés hors Québec. Les ventes nettes d’Hydro-Québec à l’exportation ont atteint en 2018 le volume historique de 36,1 térawattheures (TWh).

Il rappelle du même souffle que la raison d’être des postes de transformation est justement d’abaisser le niveau de tension sur le réseau de transport. Par exemple, au poste de départ d’une centrale, la tension est rehaussée de 13,8 kV à 735 kV. Cette opération permet de réduire les pertes lorsque l’énergie chemine sur de longues distances. Arrivée au poste de transformation, elle est abaissée à 315 kV, puis à 120 kV au poste source.

 

Le courant continu, s’il n’est pas d’usage général aujourd’hui, demeure avantageux pour transporter de l’électricité sur de longues distances ou pour raccorder des réseaux asynchrones, comme c’est le cas entre les réseaux québécois et américain. CR: Hydro-Québec.

Interconnexions en devenir

À l’heure actuelle, Hydro-Québec dispose de 15 interconnexions, dont 6 en courant continu. Et il s’en ajoutera bientôt une nouvelle pour acheminer l’électricité produite ici vers le Massachusetts. C’est le New England Clean Energy Connect (NECE), un projet d’une centaine de millions de dollars qui nécessitera la construction d’une ligne d’environ 100 kilomètres (km) entre le poste des Appalaches, près de Thetford Mines, et un point de raccordement à la frontière entre le Québec et le Maine.



« En 2022, il permettra d’exporter annuellement, à lui seul, 9,45 térawattheures, signale l’ingénieur. Il reste à obtenir certaines autorisations et à peaufiner le tracé avant de lancer les travaux en 2021. On planifie également une autre interconnexion, entre le poste Hertel, à La Prairie, et la ville de New York. Le projet inclut l’ajout d’un convertisseur et la construction d’une ligne souterraine de 58 km. Il est toujours à l’étude. » •


LA SUPÉRIORITÉ DU COURANT ALTERNATIF
En matière de transport d’électricité, le courant alternatif l’emporte aujourd’hui sur le courant continu, mais ce ne fut pas toujours le cas. Il y a près de 130 ans, une grande rivalité opposait les tenants du courant alternatif, dont George Westinghouse, à ceux du courant continu, Thomas Alva Edison en tête. On était à l’aube d’une nouvelle ère et les industriels américains cherchaient un moyen efficace d’acheminer cette énergie de la centrale à l’usine. En 1887, Nikola Tesla a tranché le débat en mettant au point les premières technologies destinées à la production et au transport du courant alternatif.