MAGAZINE CONSTAS

Pour un recrutement international réussi: miser sur la stratégie

Des conseils pour attirer et fidéliser des talents venus de l’étranger

Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre et de concurrence accrue dans le secteur de la construction et des grands travaux, l’ACRGTQ a proposé à son dernier congrès annuel un atelier sur la mise en place d’une stratégie de recrutement international. Donald Riendeau, avocat, directeur général et cofondateur de l’Institut de la confiance dans les organisations, y a présenté les principaux défis, les étapes clés et les bonnes pratiques pour attirer et fidéliser des talents venus de l’étranger.

par Elsa Bourdot

 

 

Donald Riendeau, avocat, directeur général et cofondateur de l’Institut de la confiance dans les organisations. Photo: Normand Huberdeau

Pouvez-vous nous présenter l’objectif principal de l’atelier que vous avez offert au 81e Congrès de l’ACRGTQ et les principaux enjeux qu’il aborde?

L’objectif, c’est de montrer que le recrutement international ne se résume pas à embaucher quelques travailleurs étrangers au gré des besoins. Il faut véritablement penser cela comme un enjeu stratégique et avoir une vision à long terme. Dans le secteur de la construction, la main-d’œuvre se fait rare; pourtant, beaucoup d’entreprises continuent d’adopter une approche ponctuelle, alors que mettre sur pied une «machine de guerre du recrutement» peut faire toute la différence.

Quels sont les principaux défis auxquels les entreprises de construction font face lorsqu’elles se lancent dans le recrutement international?

C’est un domaine particulièrement complexe, car il existe des centaines de métiers dans la construction, et chacun comporte ses propres règles. Il faut tenir compte de la CCQ, des équivalences d’heures, des documents à fournir pour démontrer l’expérience… Sans oublier que les lois gouvernementales changent souvent. Les démarches administratives prennent parfois plusieurs mois, voire un an, ce qui exige une préparation rigoureuse, aussi bien en amont qu’au moment de l’accueil.

Les réglementations administratives sont souvent citées comme un obstacle. Quels conseils donneriez-vous pour mieux les gérer?

Je recommande d’adopter une vision du processus à 360 degrés. On ne peut pas seulement se concentrer sur la paperasse ou sur la finalité de l’accueil. Il faut décomposer le recrutement international en étapes: définir les besoins, choisir une méthode de recrutement, gérer la paperasse (permis, visas, etc.) et soigner l’intégration sur place. L’idée n’est pas de tout faire soi-même: on peut déléguer [certains aspects] à un avocat ou à un cabinet spécialisé, mais il faut rester en contrôle des grandes lignes pour anticiper les retards ou les changements réglementaires.

Pouvez-vous nous faire part des grandes lignes d’une stratégie de recrutement international que vous abordez dans l’atelier?

Je la divise en quatre grands blocs. D’abord, l’évaluation des besoins, idéalement deux fois par année, pour savoir précisément quel type de travailleurs et à quel moment on en aura besoin. Deuxième bloc, le recrutement proprement dit: est-ce qu’on part en mission dans un pays donné? Est-ce qu’on mandate une firme? Troisième bloc, la gestion de la paperasse: permis, équivalences, validations avec la CCQ, etc. Il y a là un vrai travail de coordination. Et enfin, l’accueil et l’intégration, qu’on néglige parfois, alors que c’est crucial: logement, assurances, soutien familial… Il faut aussi préparer le renouvellement des permis et anticiper les démarches de résidence permanente.

Comment les entreprises peuvent-elles identifier les pays les plus pertinents pour recruter des talents?

Ça dépend avant tout des métiers recherchés. Par exemple, pour certains métiers spécialisés en construction, la France, la Belgique ou le Royaume-Uni peuvent être plus adaptés, car la certification et les preuves d’expérience sont mieux documentées. Pour de la main-d’œuvre à salaire plus faible ou des postes d’entrepôt, on ira plus facilement vers le Mexique, la Colombie ou l’Équateur. Il arrive aussi qu’on recrute dans un pays parce qu’on a déjà embauché un travailleur qui souhaite faire venir un membre de sa famille. Cette approche renforce la loyauté, même si les démarches sont parfois un peu plus longues.

Pourquoi les processus d’accueil et de soutien sont-ils essentiels pour garantir une intégration réussie des travailleurs étrangers?

Parce que l’enthousiasme initial peut vite se transformer en mal du pays si les gens ne se sentent pas accompagnés. En plus, lorsqu’on obtient un permis de travail, l’attente peut durer plusieurs mois avant l’arrivée au Québec. C’est important de garder le contact, d’expliquer comment fonctionne la vie ici, de préparer le logement, de faciliter l’accès à l’assurance maladie… Pour les premiers mois, il peut y avoir un sentiment d’isolement: alors, organiser un repas de bienvenue ou avoir une personne-ressource qui se consacre au travailleur fait une énorme différence.

Quels sont, selon vous, les bénéfices concrets pour les entreprises qui adoptent une stratégie structurée de recrutement international?

D’abord, elles peuvent pourvoir des postes qui restent vacants faute de candidats locaux. Dans la construction, cela peut même permettre de décrocher des contrats plus importants. Ensuite, elles bénéficient d’une stabilité accrue: quand les travailleurs étrangers se sentent bien accueillis, ils développent une forte loyauté. Résultat: moins de roulement de personnel, une expertise qui demeure au sein de l’entreprise, et donc des retombées humaines et financières très positives.

Quels conseils donneriez-vous à une entreprise qui souhaite se lancer dans le recrutement international, mais qui ne sait pas par où commencer?

Je dirais de prendre le temps de préparer un vrai plan de match. Il faut échanger avec d’autres entreprises qui ont déjà franchi le pas, apprendre de leurs réussites et de leurs erreurs. C’est aussi essentiel d’identifier clairement les besoins: combien de personnes, dans quels métiers, et pour quelles échéances? L’idée, c’est de poser les bases d’une stratégie solide avant de remplir des formulaires. Les enjeux sont trop importants pour y aller à l’aveuglette. ■