MAGAZINE CONSTAS

Harcèlement psychologique et violence à caractère sexuel

Une loi pour favoriser un meilleur climat de travail

Deux mois après l’adoption du projet de loi no 42, qui vise à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail, les nouvelles obligations des employeurs sont relativement bien accueillies dans l’industrie de la construction.

par Hugo Prévost

 

 

Les dernières années ont sensibilisé la population aux problématiques liées à la santé mentale et au respect d’autrui. Avec le projet de loi n42, les entrepreneurs se voient offrir une occasion de promouvoir des comportements adéquats et respectueux de tous, favorisant l’inclusivité et la diversité. C’est du moins l’avis de Me Christian Tétreault, directeur du service des relations du travail et des affaires juridiques à l’Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec (ACRGTQ).

En ce qui concerne la pièce législative, dit-il, « il y a une série de constats qui ont été réalisés, tant par la Chaire de recherche en santé mentale de l’Université Laval que par l’intermédiaire de la CNESST [Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail], ou même par nos observations personnelles », en rapport avec la santé mentale des travailleurs, y compris dans le secteur de la construction.

Me Tétreault indique par ailleurs que le nom­bre de réclamations pour des cas liés à la santé psychologique est en hausse. D’autant plus, poursuit-il, que « les travailleurs et travailleuses dans l’industrie sont de plus en plus sensibilisés aux obligations qui reposent sur les épaules des employeurs ».

« Les gestionnaires, dans toutes les sphères économiques comme en construction, doivent maintenant repenser aux climats de travail qui prévalent dans leurs environnements de manière à diminuer le nombre de journées perdues liées aux problématiques de santé mentale au travail. C’est vrai dans un bureau, tout comme c’est vrai sur un chantier », estime-t-il.

Et donc, soulève le directeur des affaires juridiques à l’ACRGTQ, « il faut agir, il faut se prendre en main ». « On doit faciliter, aussi, la dénonciation, ajoute-t-il, car il existe encore des craintes pour les gens qui sont victimes de harcèlement psychologique ou de violences à caractère sexuel. »

Christian Tetreault
Me Christian Tétreault, directeur du service des relations du travail et des affaires juridiques à l’ACRGTQ. Photo : ACRGTQ

On ne peut que saluer les grandes orientations de la loi, y compris le fait d’améliorer les mesures de prévention que les employeurs devront mettre en œuvre.

— Me Christian Tétreault, ACRGTQ

Une certaine incertitude

Me Tétreault reconnaît cependant qu’il existe une certaine imprécision, dans la loi, qui pourrait entraîner des difficultés d’application.

Il mentionne que Québec définit maintenant les violences à caractère sexuel comme « toute inconduite qui se manifeste par des gestes, par des pratiques, par des paroles ou par des comportements à connotation sexuelle ».

« Parfois, on banalise un peu ce qui se passe sur les chantiers. Les gens vont appeler cela des jokes de mononcles ou des remarques anodines… Ce genre de comportement pourrait être visé par le concept de violence à caractère sexuel. Et là-dessus, je m’attends à ce que cela puisse générer des difficultés d’application : les gens devront se familiariser avec les nouvelles notions et avoir à l’esprit que toute inconduite est visée, pas seulement les attouchements ou les gestes inappropriés. »

La définition même de la violence à caractère sexuel peut faire l’objet de difficultés d’interprétation, selon lui. On peut aussi s’inter­roger, estime-t-il, sur l’étendue du devoir de l’em­ployeur lorsque vient le temps d’identifier, de contrôler et d’éliminer les risques de harcèlement et de violence à caractère sexuel. En ce sens, il juge qu’il pourrait y avoir des cas, devant les tribunaux, liés à l’application de la loi.

Il ne faut pas que les employeurs soient gênés de communiquer avec nous pour bien comprendre tous les aspects de la loi. On va offrir le soutien nécessaire pour mettre en œuvre les nouvelles obligations.

— Me Christian Tétreault, ACRGTQ

Des protections renforcées

Si de nombreux employeurs disposaient déjà de politiques visant à lutter contre les situations que sont le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel, la nouvelle loi vient ajouter des obligations pour les entreprises.

Celles-ci devront non seulement intervenir lorsque la situation implique deux de leurs sala­riés, mais aussi lorsque l’auteur du harcèlement est un représentant d’un client, d’un sous-traitant ou d’un fournisseur. Il faudra aussi clairement identifier dans la politique pour contrer le harcèlement psychologique les mécaniques de traitement des plaintes, désigner une personne-ressource pour gérer celles-ci (et la former convenablement), etc.

Les employeurs ont donc du pain sur la plan­che, mais Me Tétreault assure que l’ACRGTQ est là pour épauler ses membres. De fait, l’Asso­ciation offrait déjà de l’accompagnement et des  formations dans les domaines de la lutte au harcèlement psychologique et aux violences à carac­tère sexuel avant l’adoption de la loi, et continuera de le faire, affirme-t-il.

À son avis, la nouvelle loi sera certainement bénéfique pour l’industrie de la construction. « On veut améliorer notre bilan en matière de climat de travail, d’attractivité et de rétention de la main-d’œuvre. Essayer de présenter une image plus positive de l’industrie », dit-il. Et favoriser au passage l’intégration des jeunes, des femmes et des membres des minorités ethniques et culturelles, en plus des personnes appartenant à la communauté LGBTQ+. ■