Infrastructures publiques : un virage numérique majeur
Une feuille de route BIM pour les donneurs d’ouvrage publics et l’industrie
L’objectif de la Feuille de route gouvernementale BIM est d’établir la cadence de l’implantation du BIM dans les projets d’infrastructure publique réalisés au Québec et, par conséquent, dans toute l’industrie de la construction au Québec.
Grâce au Plan d’action pour le secteur de la construction (PAC), annoncé par le gouvernement du Québec en mars 2021, plusieurs grands donneurs d’ouvrage publics au Québec amorcent leur virage numérique. Une feuille de route servira de guide à ce projet, qui se poursuivra jusqu’en 2026. « L’objectif de la Feuille de route gouvernementale BIM est d’établir la cadence de l’implantation du BIM dans les projets d’infrastructure publique réalisés au Québec.»
Par Stéphane Gagné
Le gouvernement annonce dans le PAC sa ferme volonté d’inciter les entreprises du secteur de la construction à effectuer la transformation numérique nécessaire et de les accompagner dans ce virage majeur. Le PAC inclut plusieurs mesures concrètes dont une, entre autres, qui consiste à mettre en œuvre et déployer une feuille de route pour la modélisation des données du bâtiment, mieux connue sous l’appellation Building Information Modeling (BIM). Le BIM s’applique à tous les types de construction (bâtiment, actifs industriels, génie civil et voirie) et conduit à une véritable transformation des façons de faire. L’objectif de la Feuille de route gouvernementale BIM est d’établir la cadence de l’implantation du BIM dans les projets d’infrastructure publique réalisés au Québec et, par conséquent, dans toute l’industrie de la construction au Québec.
La Feuille de route gouvernementale BIM engage de très grands joueurs. On y trouve la Société québécoise des infrastructures, le ministère des Transports du Québec, la Société d’habitation du Québec, Hydro-Québec, la Ville de Montréal et la Ville de Québec.
« Le BIM consiste — il est utile de le rappeler — en un processus qui, à partir de maquettes 3D créées à l’aide de logiciels et d’informations obtenues par divers équipements et appareils (par exemple des drones peuvent servir à recueillir des données), permet de gérer informatiquement une infrastructure à toutes les étapes de son cycle de vie: durant sa conception et sa construction, au cours de son entretien tout au long de sa vie utile et finalement lors de son éventuelle démolition », affirme Guy Paquin, ing., directeur général à la Direction générale des stratégies et des projets spéciaux de la Société québécoise des infrastructures (SQI). Grâce au BIM, l’étape de planification d’un projet sera plus aboutie, les changements et les risques d’erreur lors de la construction seront minimisés. À ce propos, M. Paquin mentionne que dans les projets standards n’utilisant pas le BIM, les mêmes données peuvent être saisies jusqu’à sept fois, avec à chaque fois le risque de produire des erreurs.
Prenons l’exemple d’une maquette 3D virtuelle d’un projet. « Les concepteurs peuvent bonifier la planification et y changer des éléments en fonction de nouvelles contraintes ou de nouvelles opportunités et cela autant de fois que nécessaire, dit le directeur. Ces changements, faits avant la construction, sont profitables car ils permettent, en bout de ligne, des économies de temps, de travail et d’argent, ceci en réduisant le nombre de changements lors de la construction. »
Grâce à l’implantation du BIM en construction, le profil des travailleurs pourrait changer. « Les besoins plus grands d’expertise en technologie informatique attirera un éventail plus large de main-d’œuvre dont notamment les femmes et les jeunes, croit Guy Paquin.
Pourquoi faire ce virage numérique ? Selon ce qui est présenté dans le PAC, il y a deux principales raisons : la pénurie de main-d’œuvre qui touche le secteur et la nécessité de rehausser le niveau de productivité, qui y est très faible. L’usage du BIM et des outils numériques permettra entre autres de favoriser le recrutement d’une main-d’œuvre jeune, ce qui contribuera à assurer la pérennité de l’industrie aux prises avec une main-d’œuvre vieillissante, en plus d’améliorer les processus de travail et de le rendre plus efficient, ce qui amoindrira le besoin en main-d’œuvre.
De grands donneurs d’ouvrage publics impliqués
La Feuille de route gouvernementale BIM engage de très grands joueurs. On y trouve la Société québécoise des infrastructures (SQI), le ministère des Transports du Québec (MTQ), la Société d’habitation du Québec (SHQ), Hydro-Québec, la Ville de Montréal et la Ville de Québec. Pour chacun de ces donneurs d’ouvrage, il y a des cibles à atteindre dans la Feuille de route accompagnées de leur état d’avancement. « La Feuille de route sera mise à jour chaque année, » dit M. Paquin.
Ce document permet de constater que la SQI déploie actuellement le BIM dans un grand nombre de projets. Normal puisqu’elle a amorcé le processus avant les autres. « Nous avons débuté le déploiement du BIM en 2016 en l’appliquant à certains de nos projets de 50 millions de dollars et plus, dit le directeur. Comme cela s’est bien déroulé, nous déployons le BIM depuis le 1er avril 2021 dans tous nos projets de plus de 50M$. Nous déploierons aussi, à compter du 1er avril 2023, le BIM pour tous les projets de cinq millions de dollars et plus. » Jusqu’à ce jour, le BIM a été utilisé dans 59 projets de la SQI, qui totalisent environ 12 milliards de dollars. L’expérience qu’a acquise la SQI avec le BIM depuis cinq ans sera assurément utile aux autres donneurs d’ouvrage.
En examinant la Feuille de route, on constate que les cibles pour l’implantation du BIM varient selon les donneurs d’ouvrage publics et la maturité de leur écosystème respectif. Parmi les plus avancés (en excluant la SQI), on remarque la Ville de Montréal, qui réalise cette année un petit projet d’infrastructures civiles, et la Ville de Québec, qui mène plusieurs projets de front (dont l’arrimage des processus BIM avec les pratiques internes). D’autre part, avec un démarrage plus lent, on note le ministère des Transports du Québec (identification des critères de sélection) et la SHQ (sensibilisation des parties prenantes). Cependant, au terme de l’année 2026, tous les donneurs d’ouvrage publics impliqués dans la Feuille de route réaliseront leurs projets utilisant les processus et outils BIM. De plus, tel qu’indiqué au PAC, à cette première vague de donneurs d’ouvrage publics, s’ajouteront progressivement tous les autres donneurs d’ouvrage publics, notamment les municipalités, les réseaux de la santé et de l’éducation.
Des impacts positifs pour la main-d’œuvre
Grâce à l’implantation du BIM en construction, le profil des travailleurs pourrait changer. « Les besoins plus grands d’expertise en technologie informatique attirera un éventail plus large de main-d’œuvre dont notamment les femmes et les jeunes, croit Guy Paquin. Cela se traduira sans doute par davantage de manipulation d’outils technologiques et un peu moins de contribution physique dans les diverses tâches. »
Autre point, selon M. Paquin, il y aura une diminution des changements et risques d’erreur sur les chantiers. « Le BIM favorise la construction d’infrastructures davantage pérennes, les ouvrages étant construits sans reprises. Des entrepreneurs mentionnent même que leurs travailleurs, s’exposant moins à l’obligation de reprendre des étapes, sont au final, plus heureux sur leurs chantiers. »
Des impacts positifs sur les chantiers
L’implantation du BIM permet un plus grand recours à la préfabrication et au préassemblage hors site, comme cela a été fait lors de la construction du pont Samuel de Champlain. « Notamment pour les ouvrages de génie civil, cette préfabrication accrue a le grand avantage de favoriser la poursuite des projets en facilitant la réalisation de certains travaux pendant la période hivernale», souligne M. Paquin. ■
Lien web sur la Feuille de route : https://www.tresor.gouv.qc.ca/fileadmin/PDF/infrastructures_publiques/Feuille_route_gouvernementale_BIM.pdf
Lien web Plan d’action pour le secteur de la construction (PAC) :
https://www.tresor.gouv.qc.ca/fileadmin/PDF/infrastructures_publiques/Plan_d_action_construction.pdf