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Chine: la plus grande éolienne du monde au service de la décarbonation

Un mastodonte avec une puissance de 20 mégawatts

En tête de liste des pays pollueurs sur la planète, la Chine a implanté la plus grande éolienne du monde dans le but de réduire son empreinte carbone. Avec une puissance électrique de 20 mégawatts (MW), elle permet de fournir du courant à 96 000 foyers annuellement.

par Leïla Jolin-Dahel

 

 

Photo: Mingyang Smart Energy

 

Ce mastodonte est l’œuvre de Mingyang Smart Energy et a été installé en août dernier sur la côte de l’île de Haïnan. Et prochainement, cette société chinoise prévoit de battre son propre record. «L’entreprise promet déjà d’en construire une de 22 MW. Ces éoliennes sont des colosses», résume Daniel Rousse, professeur titulaire au Département de génie mécanique de l’École de technologie supérieure (ÉTS).

Baptisée MySE18.X-20MW, l’éolienne dispose d’une surface de balayage maximale de 66 966 mètres carrés, équivalente à plus de 9 terrains de football, et d’un rotor allant de 260 à 292 mètres de diamètre. Elle pourrait chaque année fournir 80 GWh en électricité, en ayant une vitesse moyenne de vent de 8,5 m/s.

Sur son site Web, Mingyang Smart Energy décrit son innovation comme étant légère, modulaire et à haute fiabilité, tout en pouvant résister à de puissants typhons.

L’implantation d’une éolienne en mer a des avantages en comparaison à une autre érigée sur le sol. «Si on a une surface où il n’y a pas d’arbres, pas de bâtiments, pas de bosses, et que le rotor tourne plusieurs dizaines de mètres en haut de l’eau, c’est bien meilleur, explique M. Rousse. Mais ça coûte plus cher à installer.»

C’est sûr que ça va avoir un effet indéniable sur le bilan de la Chine. Mais c’est un peu comme si quelqu’un fumait 25 cigarettes par jour et qu’il décidait d’en allumer une de moins. La Chine va quand même demeurer le plus gros pollueur du monde avec les États-Unis.

— Daniel Rousse

Réduire les émissions de GES

Avec cette imposante structure, la Chine espère ainsi réduire son bilan carbone de 66 000 tonnes de dioxyde de carbone, alors qu’elle reste une mauvaise élève en la matière. En 2021, le pays était à lui seul responsable de 27,9% des émissions de GES planétaires, avec 13438 mégatonnes d’équivalent en dioxyde de carbone. «C’est sûr que ça va avoir un effet indéniable sur le bilan de la Chine, souligne Daniel Rousse. Mais c’est un peu comme si quelqu’un fumait 25 cigarettes par jour et qu’il décidait d’en allumer une de moins. La Chine va quand même demeurer le plus gros pollueur du monde avec les États-Unis.»

Néanmoins, la puissance de l’éolienne est telle qu’elle permet d’instaurer un microclimat aux alentours. «Avec sa taille imposante, l’éolienne crée une légère perturbation climatique, mais ça ne dure pas. Si on s’éloigne de quelques centaines de mètres, tout redevient normal. Mais la variation de pression fait fluctuer la température et ça forme un microclimat plus froid parce qu’on a retiré de l’énergie à l’air pour le transmettre au rotor.»

Photo: Mingyang Smart Energy

Un choix judicieux pour le Québec?

Dans la Belle Province, Hydro-Québec a annoncé l’année dernière son intention de réaliser de gros projets éoliens. «Présentement, ici, c’est la meilleure source de production d’énergie à installer, parce que ça revient moins cher que pour l’hydroélectricité», souligne M. Rousse.

Néanmoins, l’ajout d’éoliennes en mer ne représente «pas une solution intéressante». «Pourquoi? Parce qu’on a plein de place sur la terre ferme où les aménager» et que cette avenue est moins onéreuse. Le professeur cite en exemple le projet éolien Apuiat de 200 MW, créé en collaboration avec les communautés innues sur la Côte-Nord.

Pour l’expert, le meilleur endroit où implanter de futures éoliennes au Québec serait dans le nord de la province. «C’est en haut de la ligne des arbres, au Québec, qu’il vente le plus et où l’on a le plus de potentiel. On pourrait les installer près de l’aménagement Robert-Bourassa et de tout le complexe hydroélectrique de la Baie-James.» Une solution qui permettrait d’emprunter les couloirs d’acheminement actuels. «Et si on n’a pas assez de conduites électriques, on n’a qu’à en ajouter. Les routes pour réaliser l’entretien et la maintenance existent déjà.»

Faute d’accord avec les villes et les Premières Nations, il serait aussi techniquement possible d’implanter des éoliennes dans le fleuve Saint-Laurent. «Mais il faudrait alors faire un paquet d’études sur le trafic maritime.» Cette option aurait néanmoins pour avantage d’interdire la circulation des bateaux à certains endroits, ce qui entraînerait un effet positif sur la biodiversité marine. «Mais en général, tant qu’on va pouvoir s’entendre avec les communautés autochtones ou les muni­cipalités pour installer des éoliennes sur la terre ferme, ça devrait rester la solution à privilégier.»