Faire une différence en tant que leader collaboratif
On dit souvent que nous vivons dans une société individualiste. Que nous valorisons le succès personnel, la compétitivité. Et si la clé du succès était dans la collaboration?
par Stéphane Desjardins

Vous l’avez certainement entendu: nos organisations, nos gouvernements, nos entreprises sont habitués à travailler en vase clos. Alain Gosselin, professeur émérite à HEC Montréal, rejette cette tendance, qu’il considère comme nuisible. Il lui oppose la culture de la collaboration, qu’il voit comme la seule solution possible face aux problèmes générés par une société de plus en plus compliquée.
Tous les secteurs de l’économie, toutes les industries, toutes les organisations, tous les individus ont tendance à travailler en silo. Car la société valorise le talent, le mérite, la compétition, vus comme les meilleurs moyens d’atteindre ses objectifs personnels ou ceux imposés par la direction.
Et si celle-ci vous incitait à faire participer collègues, fournisseurs, professionnels, consultants, unités gouvernementales, filiales et autres partenaires à vos projets et à vos décisions, comment réagiriez-vous? Pas si simple, en effet!
«Dans une logique du chacun pour soi, la main gauche ne sait souvent pas ce que fait la main droite. Il en résulte des problèmes de coordination. Ce n’est pas très efficace de multiplier les angles morts et de ne pas être au courant des promesses faites au client par les collègues, constate Alain Gosselin, qui souligne à gros traits le manque d’efficience de l’approche en silo. Travailler chacun de son côté nuit aussi à l’apprentissage, brime la créativité. Cela diminue l’attractivité de nouveaux talents, car les jeunes préfèrent l’approche collaborative et les organisations où il y a de la mobilité. Où on multiplie les expériences nouvelles.»
«On constate des problèmes de performance, de coordination et de déficience dans les organisations qui négligent l’approche collaborative. On y réinvente souvent la roue, au lieu d’apprendre à collaborer pour atteindre les objectifs. C’est alors difficile de performer dans un monde de plus en plus complexe, alors que les clients sont déjà en mode transversal.»
Tout part d’en haut
Certes, on aura toujours besoin de spécialistes. Mais ces derniers doivent désormais travailler en équipe et constamment transmettre leur savoir-faire.
Le professeur Gosselin mentionne que personne n’est à blâmer, car chacun, sur son île, fait de son mieux avec ses compétences, son terrain de jeu, des comportements acquis, qu’on pourrait qualifier de territoriaux. «Certains défendent même leurs prérogatives, craignant que, plus ils doivent collaborer, plus ils dilapident leur expertise, plus ils doivent partager de ressources.» Mais collaborer, c’est justement ça: partager.
Travailler chacun de son côté nuit aussi à l’apprentissage, brime la créativité. Cela diminue l’attractivité de nouveaux talents, car les jeunes préfèrent l’approche collaborative et les organisations où il y a de la mobilité. Où on multiplie les expériences nouvelles.
— Alain Gosselin
Certains croient que se limiter à bien travailler au sein d’une équipe, c’est collaborer. Mais pour mousser la productivité et l’efficacité, on doit faire collaborer nos équipes et celles de nos partenaires. Ce qui n’est pas naturel pour nombre d’entre nous, reconnaît Alain Gosselin.
C’est pour cela que l’exemple doit venir d’en haut. «Pierre Pomerleau a déjà partagé une scène avec moi où il avait répété que “Nous ne formons qu’une seule équipe”, malgré nos activités, nos secteurs d’activité, les contextes, les obstacles, l’environnement, la gouvernance, la réglementation. Face à ces contraintes, la qualité de la collaboration dépend de la culture et du leadership de l’organisation.»
Si la haute direction valorise l’approche collaborative, celle-ci percole inévitablement: les cadres l’intègrent naturellement dans leur approche, tout comme les professionnels, les travailleurs, les collaborateurs.
Évidemment, dans un monde où les gens sont responsabilisés par des objectifs individuels, et dont la performance influence leur rémunération, l’approche collaborative est plus difficile à implanter. M. Gosselin comprend qu’un tel changement ne se fait pas naturellement.
«C’est pour ça que, quand les dirigeants demandent ouvertement de l’aide à des collaborateurs internes et externes, ils donnent l’exemple, ajoute-t-il. D’autant plus qu’aujourd’hui, on a tous besoin des autres pour faire face aux obstacles.» Les personnes qui ont tendance à s’isoler, à retenir l’information, à tout garder pour elles finiront par quitter une organisation qui pratique la collaboration.
«Les organisations doivent clairement nommer les règles du jeu, valoriser ouvertement la collaboration, inciter aux échanges, reprend le professeur. En revanche, celles qui tolèrent l’hypercompétitivité, les comportements territoriaux, qui accordent des promotions à ceux qui jouent du coude dénaturent leur message et, surtout, sont moins performantes.»
Pour Alain Gosselin, les problèmes, voire les projets, sont tellement devenus complexes que la seule solution, c’est de travailler ensemble à les résoudre ou à les atteindre. Et seuls des leaders qui encouragent, soutiennent et valorisent un environnement de travail basé sur l’entraide permettent que chacun puisse mettre tout son talent au service de l’organisation. ■