HQ: préparer la reprise des chantiers
Hydro-Québec amorce une course contre la montre
Mathieu Bolullo, directeur principal – Projets de construction, s’attend à un recul de 10 à 20 % sur les 2,5 milliards $ d’investissements prévus cette année.
Happée par la tourmente « covidienne », Hydro-Québec a actionné le frein d’urgence et mis ses activités au point mort à la vitesse grand V. Entre démobilisation forcée et reprise concertée, la société d’État a échafaudé divers scénarios pour sécuriser ses chantiers. Tour d’horizon.
Par Marie Gagnon
Mars 2020. Forcée de cesser les travaux pour se conformer au décret gouvernemental, Hydro-Québec est confrontée à une situation sans précédent : stopper ses chantiers tout en maintenant certains services essentiels. Pour la société d’État, qui consacre annuellement 2,5 milliards au développement et au maintien de ses actifs, la tâche est tout sauf aisée. Non seulement elle doit suspendre ses activités de façon ordonnée, mais également en assurer la reprise sécuritaire une fois la tourmente conjurée.
Pour Mathieu Bolullo, directeur principal – Projets de construction, c’est une véritable course contre la montre qui s’amorce. « Il y avait plusieurs facteurs à prendre en considération, comme le gardiennage des chantiers et le maintien de certains services sur les installations existantes où des travaux étaient en cours, mentionne-t-il. On devait aussi s’assurer que la chaîne d’approvisionnement serait disponible en cas de pépin. »
Il y avait plusieurs facteurs à prendre en considération, comme le gardiennage des chantiers et le maintien de certains services sur les installations existantes où des travaux étaient en cours, explique Mathieu Bolullo.
Préparer la reprise
Si cette première étape est franchie avec succès, la partie n’est pas gagnée pour autant. Reste en effet à élaborer divers scénarios de reprise. À cette fin, un comité de coordination est formé. En parallèle, Mathieu Bolullo tient des consultations avec des gestionnaires de Muskrat Falls au Labrador, de Keeyask en Alberta et du Site C en Colombie-Britannique. En dépit de règles sanitaires différentes, les échanges sont fructueux et aiguillent vers certaines solutions, mais aussi certaines problématiques. Notamment à La Romaine-4, où Hydro-Québec se prépare à la mise en eau du réservoir lorsque le décret gouvernemental tombe comme un couperet. « On comptait sur la crue printanière, mais il restait environ huit semaines de travail pour fermer le barrage, note le gestionnaire. Si on manquait cette fenêtre, il aurait fallu attendre à l’an prochain parce qu’on doit assurer un débit réservé en aval. »
Prévenir la propagation
C’est sans compter les enjeux liés aux collectivités locales. Toujours au complexe de La Romaine, la communauté innue manifeste des inquiétudes. Quelque 300 travailleurs, issus pour la plupart de régions fortement touchées par la pandémie, s’apprêtent à y prendre leurs quartiers. Hydro-Québec doit donc tout mettre en œuvre pour éviter la propagation de la Covid-19 à l’intérieur de ce microcosme et préserver la santé des autochtones, jusque-là épargnés par la maladie.
La société d’État appliquera bien sûr les directives de la Santé publique, mais elle ira encore plus loin pour sécuriser ses chantiers en limitant au minimum les contacts avec l’extérieur durant les travaux. « Les travailleurs étaient pris en charge, par convoi, de Havre-Saint-Pierre jusqu’au campement, où ils ont été confinés pendant huit semaines, indique Mathieu Bolullo. Pour le ravitaillement, les denrées alimentaires étaient déposées à un endroit précis, où le staff allait les chercher. On a aussi établi un processus d’autodéclaration et le travailleur qui présentait des symptômes se voyait interdire l’accès au chantier. »
Il précise que quelques cas s’apparentant à la Covid ont été signalés, mais qu’au final ils ne furent pas avérés. « En fait, contrairement aux années précédentes, on n’a presque pas eu de cas d’infection respiratoire, se réjouit-il. Par contre, les deux premières semaines, la cadence a été un peu ralentie, mais aujourd’hui, on a retrouvé un rythme de production normal. »
Si la productivité est de nouveau au rendez-vous, les investissements, eux, en prendront pour leur rhume. Mathieu Bolullo s’attend en effet à un recul de 10 à 20 % sur les 2,5 milliards$ d’investissements prévus cette année. « On se livre présentement à un exercice de priorisation, dit-il. La santé financière de nos partenaires est importante pour nous. On ne veut pas qu’ils se retrouvent sans travail, ni qu’ils soient surchargés l’an prochain. » ■