Assurer des liens avec l’avenir
Entretien et pérennité du nouveau pont
« Au Québec, ce n’est pas une pratique courante de nettoyer les ponts, déplore Alexandre Riendeau, président de SSL. C’est pourtant un moyen efficace pour limiter la propagation des sels dans la structure et préserver l’armature. »
La construction du nouveau pont Champlain n’est pas encore complétée que déjà Signature sur le Saint-Laurent planifie les travaux d’entretien qui assureront son intégrité tout au long des trente prochaines années. À l’image de l’ouvrage, la liste est longue.
Par Marie Gagnon
Le nouveau pont Champlain, faut-il le rappeler, est réalisé en partenariat public-privé par Groupe Signature sur le Saint-Laurent (SSL) au coût de 4,5 milliards de dollars. Ce montant inclut non seulement la conception, la construction et le financement de l’ouvrage long de 3,4 kilomètres, mais également son exploitation, son entretien et sa réhabilitation au cours des trente prochaines années. Une phase secondaire hautement critique qui s’est amorcée bien avant même le coup d’envoi du chantier.
« Au départ, la durée de vie utile de l’ouvrage devait atteindre 125 ans, c’était une des demandes du client, rappelle Martin Chamberland, directeur des opérations pour SSL. Dans cette optique, le choix de matériaux durables a été un de nos premiers soucis. » Pour satisfaire cette exigence, les concepteurs ont en effet opté pour un béton haute performance, réputé pour sa résistance aux ions chlorures et aux cycles de gel et de dégel.
Pour les mêmes raisons, ils ont prescrit des barres d’armature en acier inoxydable. Par contre, pour la structure principale, ils ont plutôt arrêté leur choix sur un acier conventionnel, plus facile à réparer lorsque nécessaire, qu’ils ont enduit d’une peinture multicouche haute performance.
Entretien régulier
La qualité architecturale ne pouvant à elle seule garantir la pérennité de l’ouvrage, SSL a élaboré un programme d’entretien diligent qui sera mis en œuvre tantôt par des équipes internes, tantôt par des ressources externes. Ce programme prévoit notamment, une fois par année, le lavage à haute pression des structures de béton et des glissières de type « Jersey » qui bordent la chaussée, afin d’éliminer les embruns marins et les sels de déglaçage.
« Au Québec, ce n’est pas une pratique courante de nettoyer les ponts, déplore Alexandre Riendeau, président de SSL. C’est pourtant un moyen efficace pour limiter la propagation des sels dans la structure et préserver l’armature. On a des critères de reprise préétablis à respecter, entre autres pour la chaussée et la structure. Notre but, c’était que le pont soit encore dans un état presque neuf au moment de le remettre au client dans 30 ans. »
Inspection méthodique
Différents niveaux d’inspection sont également prévus. « On demande aux équipes d’entretien, qui circulent quotidiennement sur l’ensemble du corridor, d’avoir un œil attentif et de rapporter tout dommage apparent », précise Martin Chamberland, en ajoutant que des inspections visuelles formelles sont prévues chaque année. Elles seront complétées, tous les quatre ans, d’une évaluation « doigt sur la pièce ».
La chaussée sera également sondée chaque année au moyen d’un profilomètre afin d’en établir l’IRI – indice de rugosité international –, un indice du niveau de confort de roulement exprimé en mètre de dénivelé par kilomètre. Aussi, des inspections sous-marines, menées à une fréquence variable, permettront d’évaluer l’état des piles et de mettre en évidence d’éventuels affouillements aux semelles.
« On va aussi porter une attention particulière aux joints d’expansion afin de prévenir l’accumulation de sable dans les éléments de dilatation, note Martin Chamberland. À titre de comparaison, l’ancien pont avait un joint à chaque pile, soit une quarantaine au total. Le nouveau en a seulement huit en tout, soit quatre joints par direction. C’est dire combien les débattements sont importants. »
Il dit par ailleurs prévoir un certain nombre de campagnes de pavage d’ici la remise de l’ouvrage, dont la première dans une dizaine d’années. Il envisage également d’éventuels travaux aux piles, au cas où le béton se délaminerait, ainsi que des travaux de peinture. •
UN PONT BIEN INSTRUMENTÉ
- Un inclinomètre a été incorporé à la tour principale afin de monitorer en continu d’éventuels déplacements latéraux.
- De nombreux autres capteurs ont été intégrés à la structure afin d’en monitorer la performance et de prévenir d’éventuels dommages.
- Stations météo
- Détecteurs de déplacement
- Détecteurs de contraintes dans les poutres
- Détecteurs de température dans les dalles de béton
- Système de suivi des courants vagabonds pour le REM