Être un artisan de la transition énergétique
Constas rencontre Sophie Brochu, PDG d’Énergir
Sophie Brochu n’a qu’une ambition : amener le plus grand nombre de clients et de communautés à réduire leur consommation énergétique et à être aussi sobres que possible dans leurs émissions de GES.
Énergir, le nouveau Gaz Métro, cristallise la vision portée depuis plus d’une décennie par le principal distributeur gazier du Québec. Une vision fondée sur l’avènement d’une économie plus sobre en carbone, où transition énergétique rime avec efficacité énergétique, énergies renouvelables et réduction de la consommation de produits pétroliers.
Par Marie Gagnon
Changer de raison sociale sans crier gare est toujours un pari risqué. Même pour une entreprise comme Gaz Métro. Ce pari, le distributeur gazier n’a pourtant pas hésité à le relever en devenant Énergir à la fin de 2017. Une nouvelle raison sociale formée des mots « énergie » et « agir », qui reflète à la fois son évolution au fil des quinze dernières années et son engagement envers l’avenir énergétique des générations actuelles et futures.
« La transition énergétique, c’est un thème qui est dans l’air du temps depuis déjà un bon moment, note Sophie Brochu, présidente et chef de la direction d’Énergir. C’est devenu un enjeu de société, notamment au Québec. C’est formidable, parce qu’on y travaille déjà depuis plusieurs années. L’énergie est en effet au cœur de la transition énergétique. Comme fournisseur d’énergie, ou on faisait partie du problème, ou on faisait partie de la solution. On a choisi de faire partie de la solution. »
Diversifier les sources
Cette transition s’est amorcée par la diversification de son offre énergétique, où les énergies renouvelables – éolien, solaire et hydroélectricité – ont graduellement gagné le haut du pavé. Si bien que seule la moitié de ses actifs est aujourd’hui destinée à la distribution gazière. Pour Sophie Brochu, il ne s’agit pas de tourner le dos au gaz naturel, mais bien de l’annexer à d’autres filières afin de répondre aux besoins énergétiques actuels et futurs.
Aujourd’hui, cette transition s’exprime aussi à travers un plan d’action intitulé Un, deux, trois… punch! Ce plan au nom évocateur a pour ambition de favoriser l’efficacité énergétique, en aidant les clients d’Énergir à consommer moins et mieux; d’augmenter la part des énergies nouvelles dans son mix énergétique, dont celle du gaz naturel renouvelable (GNR); et, enfin, de remplacer, là où c’est souhaitable, le charbon et les produits pétroliers par des sources moins émissives de gaz à effet de serre (GES).
Miser sur les nouvelles énergies
« On a été le premier distributeur d’énergie du Québec à mettre en place un programme d’efficacité énergétique en 2001, rappelle Sophie Brochu. Depuis, on a réalisé autour de 125 000 initiatives qui, ensemble, ont évité l’émission d’un million de tonnes de GES. On peut croire qu’en voulant aider nos clients à consommer moins, on est en train de scier la branche sur laquelle on est assis, mais non. Ce qui est bon pour eux est bon pour nous. En leur faisant économiser de l’argent, on tisse des liens durables avec eux. »
Elle ajoute que, depuis plusieurs années déjà, Énergir travaille activement au développement du gaz naturel renouvelable au Québec, à partir de matières organiques soumises à la biométhanisation, un processus industriel de production de biogaz. Une filière prometteuse, qui pourrait représenter plus de la moitié du gaz naturel distribué au Québec par Énergir, selon une étude commandée à WSP et Deloitte pour évaluer le potentiel de production de GNR aujourd’hui et en 2030.
L’étude démontre ainsi qu’en 2018, le potentiel technico-économique du GNR s’élève à 12 % du volume de gaz naturel distribué actuellement par Énergir au Québec, soit 25,8 millions de gigajoules (GJ). En 2030, cette proportion pourrait plus que quintupler grâce au développement des technologies de biométhanisation, et atteindre les deux tiers du volume actuel, soit 144,3 M de GJ.
Boucler la boucle
Depuis un an, la Ville de Saint-Hyacinthe est d’ailleurs l’hôte du premier projet municipal de biométhanisation au Québec. Elle produit ainsi environ 13 millions de mètres cubes de GNR par année, ce qui équivaut à une réduction annuelle de ses GES de 49 000 tonnes de dioxyde de carbone (CO2). Une partie de l’énergie produite est utilisée pour chauffer les bâtiments municipaux et alimenter la flotte de véhicules, l’autre est injectée dans le réseau d’Énergir.
« L’Oréal est aussi le premier client d’Énergir à acheter du GNR de Saint-Hyacinthe, relève la gestionnaire. C’est le début d’un écosystème, de nouvelles façons de faire. On ne parle pas ici de technologies super sophistiquées, mais d’un procédé fort répandu, notamment en Europe. Il suffit de fédérer les municipalités et le monde agricole pour que cet écosystème voit le jour. Le potentiel énergétique du GNR est réel et son exploitation contribuerait à l’atteinte des cibles de réduction de GES du Québec. » •