De tout temps, les infrastructures ont constitué la pierre angulaire des sociétés et des territoires. D’où la nécessité de construire des infrastructures toujours plus fiables et durables. La décennie qui s’achève en témoigne : du transport d’énergie à la mobilité des personnes et des marchandises, en passant par la production d’électricité et la protection de l’environnement, elle a donné lieu à de nombreux projets de grande envergure. Ici comme ailleurs dans le monde.
Par Marie Gagnon
À voir le nombre de projets associés aux transports, et leur ampleur, il est clair que nos sociétés sont très attachées à la mobilité. Au Québec, la décennie 2007-2017 s’ouvre ainsi avec l’inauguration du prolongement du métro vers Laval, un chantier de 803,6 M$ comprenant 5,2km de tunnel en milieu urbain. Peu après, le Train de l’Est, qui relie Montréal à Mascouche, se met en branle. Le projet, qui prend fin en 2014, inclut la construction d’un lien ferroviaire de 51 km et de 11 gares au coût de 671 M$.
Le transport léger sur rail (TLR) a connu un succès croissant au Canada ces dix dernières années. Vancouver, Toronto, Ottawa, Scarborough, Mississauga, Waterloo, Edmonton l’ont adopté.
Petit train va loin
À l’autre bout du pays, les Jeux olympiques d’hiver de 2010 poussent Vancouver à ajouter, au coût de 2 G$, une troisième ligne au réseau Sky Train, la Canada Line. Longue de 19,5 km, cette ligne relie Vancouver, Richmond et l’aéroport international. En décembre 2016, lors de la mise en service de la ligne Evergreen, un projet de 1,4G$ visant à connecter Coquitlam et Lougheed au moyen de 11 km de rails, dont 2 km en tunnel, le réseau Sky Train devient le plus long réseau automatisé de transport léger sur rail (TLR) au monde.
Les TLR ont d’ailleurs connu un succès croissant ces dix dernières années. En 2011, alors que Toronto donne le coup d’envoi de la ligne de métro York-Spadina – une extension de 8,6 km d’une valeur de 2,63 G$, inaugurée en juin 2016–, d’autres villes canadiennes s’apprêtent à mettre sur les rails leur propre TLR. Ottawa ouvre la voie avec la Ligne de la Confédération, la première phase de son réseau de train léger ayant été complétée au coût de 2,13 G$, un montant record dans l’histoire de la Ville.
Entre terre et mer
Elle est bientôt imitée par Scarborough (1,8 G$), Mississauga (1,35 G$), Waterloo (818 M$) et Edmonton (725 M$). Il faut toutefois se rendre en Inde pour découvrir la plus importante infrastructure de transport collectif, le métro de Hyderabad, un projet de 3,5 G$ qui se distingue en termes de prouesses techniques et logistiques. Ce TLR aérien de 72 km, dont la construction s’achève, repose en effet sur des viaducs qui sillonnent les plus grands axes routiers de la ville de 6,8 millions d’habitants.
Infrastructures routières au Canada : la palme à la Colombie-Britannique, avec l’élargissement de l’A1 sur 37 km et le pont jumelé de la rivière Fraser.
Les infrastructures routières ont jalonné la dernière décennie, dont, au Québec, le parachèvement en décembre 2012 de la section Ouest de l’A30, un partenariat public-privé (PPP) de 1,5G$, et la reconstruction de l’échangeur Turcot au coût de 3 G$, en marche depuis 2011. La palme revient toutefois à la Colombie-Britannique, avec 3,3 G$ pour élargir l’A1 sur 37 km et construire un pont jumelé au-dessus de la rivière Fraser, un des plus grands chantiers routiers d’Amérique du Nord lors de son coup d’envoi en 2007.
Le transport maritime n’est pas en reste au cours de cette période. Il justifie notamment des investissements de 530 M$ au Port de Québec, pour prolonger la ligne de quai sur 610m et créer 18,5 hectares de nouveaux terrains. Même scénario sur la côte Ouest, où le Port de Prince-Rupert achevait en août la seconde phase de son plan d’expansion. D’une valeur de 770 M$, les travaux ont permis de créer un terminal à conteneurs de 200 acres et d’allonger le quai de 440 m.
En tête de peloton du transport maritime, l’élargissement du canal de Panama, inauguré en juin 2016, après neuf ans de travaux titanesques. D’une valeur de 6,3 G$, le projet a créé une nouvelle route maritime le long de l’ouvrage de 80 km avec un nouvel ensemble d’écluses de 3 300 tonnes chacune, une du côté Atlantique, l’autre sur le Pacifique, sans oublier le rehaussement de 45 cm des eaux du lac Gatún.
Du génie à revendre
La part de l’industrie de l’énergie n’est pas à négliger non plus, loin s’en faut. Il suffit d’évoquer Eastmain-1A-Sarcelle-Rupert (4,7 G$), le pipeline Alberta Clipper (2 G$), la mise à niveau de la centrale nucléaire ontarienne Bruce A (4,25 G$) ou, encore, à Terre-Neuve, Muskrat Falls (6,2 G$). En construction depuis 2013, la ligne de transport Bipole III en impose autant par son coût (3,3 G$) que par sa longueur. La ligne à 500 kV cheminera en effet sur 1 400 km, entre le complexe de la Lower Nelson River et le sud du Manitoba.
Lors de cette dernière décennie, les préoccupations environnementales se sont traduites par d’imposants chantiers canadiens, dont les projets éoliens de Naikun (2 G$), de Rocky Creek (1,5 G$) et du Mont MacDonald (1 G$). Une grande importance a également été attachée au traitement de l’eau, entre autres avec la construction d’un nouvel égout collecteur principal à York, un projet qui a nécessité des travaux en tunnel sur plus de 15km.
Les catastrophes naturelles ont également été à l’origine de grands ouvrages de génie. Pendant que Winnipeg cherchait à se protéger des crues de la rivière Rouge en élargissant son canal de dérivation, la Louisiane s’est dotée de nouvelles infrastructures pour faire échec aux inondations. La digue du lac Borgne en est l’exemple phare. L’ouvrage long de 3 km et haut de 8m a été complété en 2013 au coût de 1,4 G$. Il est un élément-clé du programme Hurricane and Storm Damage Risk Reduction System (HSDRRS), dont la mise en œuvre, qui est assortie d’un budget de 14,4 G$, s’échelonnera sur 50 ans.
Dans la même veine, en Italie, MOSE, pour Modulo Sperimentale Electtromeccanico ou module expérimental électromécanique, un système de digues flottantes et articulées pour protéger la lagune de Venise des hautes marées de l’Adriatique, devrait entrer en service en 2018. Lancé en 2003, le projet d’une valeur de 8,2 G$ consiste en un système de 78 vannes à clapet flottantes sur environ 1600m. Chaque vanne est constituée d’une structure métallique ancrée dans un socle reposant au fond de la lagune (1).
Regard sur l’avenir
Quelques projets à suivre au pays
Troisième lien interrives à Québec. En mars dernier, le gouvernement du Québec octroyait 20,5 millions pour la création d’un bureau de projet.
Système de train léger sur rail à Montréal. Le projet de 5,5 G$ couvrirait un circuit de 67 km entre Montréal, l’aéroport international Trudeau, la couronne nord et la rive sud.
Phase 2 du réseau de train léger sur rail d’Ottawa. D’une valeur de 3,6 G$, ce deuxième tronçon de 39 km et 23 stations prendra forme à compter de l’an prochain pour une mise en service en 2023.
Pont international Gordie-Howe entre Windsor et Détroit. Le chantier de 5 G$ pourrait se mettre en branle à l’été 2018. Il faudra compter environ 48 mois pour réaliser le pont à six voies et les travaux connexes, dont les points d’entrée frontaliers. •
(1) Une visite documentée de ce projet était par ailleurs au cœur de la mission technique de l’ACRGTQ cette année. Voir Génie civil et voirie à Venise.