10 ans d’énergie
Garantir la sécurité d’approvisionnement
En dix ans, le portefeuille énergétique du Québec s’est grandement enrichi grâce à des investissements massifs dans le secteur de l’hydroélectricité. Il s’est aussi diversifié en faisant place à l’éolien dans l’offre énergétique de la province. Il est maintenant à la croisée des chemins, alors qu’une grande transition s’annonce. Bilan.
Par Marie Gagnon
Comme toute société moderne, et malgré un patrimoine énergétique enviable et un accès plus facile aux ressources fossiles du continent nord-américain, le Québec doit assurer son approvisionnement énergétique pour soutenir sa vitalité économique. La province a traduit cette nécessité dans la Stratégie énergétique du Québec 2006-2015.
Depuis la fermeture de Gentilly-2 et le déclassement de quelques vieilles centrales thermiques, presque toute l’électricité produite au Québec provient aujourd’hui de ressources renouvelables où domine l’hydroélectricité.
Intitulée « L’énergie pour construire le Québec demain» (1), cette stratégie reposait sur la relance du secteur de l’hydroélectricité, la création d’une filière éolienne et la diversification des sources d’approvisionnement en pétrole et en gaz naturel, en favorisant notamment l’exploitation d’hydrocarbures en sol québécois.. En dépit de ce dernier souhait, la décennie n’a pas été favorable aux investissements gaziers, comme en témoigne le projet de port méthanier Rabaska, mort dans l’œuf en 2013.
Il faut dire que le climat économique n’est pas très propice au lendemain de la crise qui a ébranlé les marchés en 2008. Le gaz naturel, qui se transigeait jusque-là à 12 dollars US par million de BTU, chute à 4 dollars US. De plus, la hausse de l’exploitation des sables bitumineux, comme celle du gaz et du pétrole de schiste, suscite plutôt des projets d’exportation comme Oléoduc Énergie Est et Énergie Saguenay, contrairement à Rabaska, qui visait l’importation de gaz naturel.
Un vent favorable
Le vent a toutefois tourné en faveur de la filière éolienne, dont l’essor est lié aux quatre appels d’offres lancés par Hydro-Québec entre 2003 et 2014. Les parcs éoliens de la Seigneurie-de-Beaupré restent les plus imposants avec un budget de près de 1 G$ et une puissance installée de 363MW. À la fin de l’année, lorsque tous les parcs éoliens sous contrat seront en service, la capacité de production éolienne du Québec atteindra 4 000 MW, soit 10 % de la capacité installée totale selon les données du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN).
Depuis la fermeture de Gentilly-2 et le déclassement de quelques vieilles centrales thermiques, presque toute l’électricité produite au Québec provient aujourd’hui de ressources renouvelables où domine l’hydroélectricité. Le maintien de ce patrimoine, qui s’est principalement constitué entre 1950 et 1980, nécessite bon an, mal an, autour de 300 millions de dollars de travaux, soit une soixantaine de projets de réhabilitation chaque année.
La dernière décennie a été faste en termes d’infrastructure hydroélectrique.
La dernière décennie a aussi été faste en termes d’infrastructure hydroélectrique. Elle s’ouvre avec la mise en service de la centrale Péribonka, un projet d’une valeur de 1,3 G$ générant annuellement 2,2 TWh d’énergie. Son évacuateur de crue possède une capacité de 5 096 mètres cubes par seconde, soit près du double du débit des chutes Niagara. Vient ensuite Eastmain-1-A-Sarcelle-Rupert, mise en service en 2013, qui représente une contribution énergétique globale de 8,7 TWh par année.
Esprit novateur
Eastmain-1-A-Sarcelle-Rupert, projet de 4,7 G$, incluait en outre d’importants gains de production (5 TWh) associés à la dérivation de la rivière Rupert vers les centrales situées plus au nord. « On mise beaucoup sur l’innovation dans nos projets, signale Réal Laporte, le président de la division Innovation, Équipement et Services partagés d’Hydro-Québec. À Eastmain-1-A, on a introduit plusieurs nouveautés, comme la préfabrication des centrales et l’utilisation de turbines à groupe bulbe au complexe Sarcelle».
« À Némiscau-1, le barrage a été construit avec un noyau d’asphalte, ajoute-t-il. Habituellement, le noyau étanche est fait avec de la moraine, mais on voulait tester la technique, car on avait prévu l’employer à la Romaine-2, où la moraine est rare. Aujourd’hui, la Romaine-2 possède le plus haut barrage à noyau d’asphalte au monde. À la Romaine-1, la modularisation de la centrale et le montage des groupes
turbines-alternateurs en 12 mois plutôt que 16, a permis de devancer la mise en service. »
Regard sur l’avenir
Pendant que s’achève Romaine-3 et que s’amorce Romaine-4, les deux dernières composantes de ce chantier de 6,5 G$ qui totalisera 1 550 MW lorsqu’il sera complété en 2020, Hydro-Québec poursuit le développement de son réseau de transport. En cours depuis 2009, le Plan d’évolution du réseau de Montréal prévoit des investissements de 1,3 G$ pour la conversion des postes et lignes à 315-25 kV du territoire. Du côté de Québec, le Plan d’évolution du réseau comprend des investissements de 920 M$ pour la construction de 7 nouveaux postes et de 100 km de lignes de transport, ainsi que le raccordement de 9 parcs éoliens. Sans compter la ligne à 735 kV de la Chamouchaouane‒Bout-de-l’Île qui cheminera sur 400 km, un projet d’une valeur de 1,1 G$. « On gère environ 2,6 G$ de projets actuellement, dont 1,5 milliard cette année juste en transport, relève Réal Laporte. Notre principal défi pour l’instant, c’est d’intégrer ces lignes et ces postes dans un milieu densément bâti. »
Quant à la nouvelle stratégie énergétique 2016-2030, qui annonce une grande transition énergétique, le porte-parole de la société d’État mentionne que « les regards se portent du côté du solaire, quoique rien de concret ne se profile pour l’instant ». En fait, le gouvernement, dans sa récente stratégie énergétique, s’est fixé pour cible d’augmenter de 50 % la production d’énergie renouvelable. Il demande en outre à Hydro-Québec, d’ici 2020, de planifier la mise en œuvre de projets de production d’électricité et de déterminer quel sera le prochain grand projet hydroélectrique. Le gouvernement entend également soutenir le développement de la filière éolienne. Il veut notamment faire de l’éolien une solution de rechange au mazout pour le Plan Nord. En matière de gaz, il prévoit appuyer l’approvisionnement en gaz naturel et accroître la production de gaz naturel renouvelable.» •
(1) Gouvernement du Québec, L’énergie pour construire le Québec de demain: La stratégie énergétique du Québec 2006-2015, Québec, 2006, Gouvernement du Québec, en ligne: http://mern.gouv.qc.ca/publications/energie/strategie/strategie-energetique-2006-2015.pdf.
FOCUS GRANDS PROJETS La Romaine-4. La construction a débuté en décembre 2016, avec l’excavation de la dérivation provisoire, un marché de 27 M$ confié à EBC. La mise en service de la centrale de 245 MW est prévue pour 2020. Energie-Saguenay. Le projet de port méthanier de 7,2 G$ prévu à Grande-Anse comprendrait des installations pour stocker, réfrigérer et transborder le gaz, en plus d’un gazoduc de 650 km pour acheminer le gaz aux installations. Le chantier pourrait débuter en 2020 pour une mise en service en 2024.