Loi sur l’unité de l’économie canadienne
Une voie rapide pour l’industrie du génie civil et les régions
Une nouvelle législation élimine les barrières commerciales interprovinciales, et ensuite?
par Stéphane Gagné
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À la fin du mois de juin, la Chambre des communes, à Ottawa, a adopté le projet de loi C-5, intitulé Loi sur l’unité de l’économie canadienne (LUEC). Le Sénat l’a, par la suite, entériné. De ce fait, la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada ont été édictées.
Or, les enjeux pour l’industrie du génie civil sont importants, et ces changements législatifs pourraient avoir des répercussions sur le développement régional au Québec.
Dans le contexte de la guerre commerciale avec les États-Unis, le premier ministre Mark Carney a senti le besoin d’avoir une législation pour éliminer certains freins au commerce entre les provinces et faciliter la mobilité de la main-d’œuvre au pays. La LUEC devrait donc permettre d’éliminer les barrières entre les provinces, qui coûtent jusqu’à 200 G$ par an aux Canadiens.

La LUEC visera par ailleurs à accélérer la réalisation de grands projets d’infrastructure dits d’intérêt national. Bien que la liste de ces projets ne soit pas encore déterminée, il pourrait s’agir d’oléoducs, de lignes de transport d’énergie, de projets miniers et portuaires.
Au sujet de la nouvelle loi, la Chambre de commerce du Canada s’est déclarée en faveur dans un communiqué datant du 26 juin dernier. Selon l’organisme, «la simplification du commerce intérieur et la réalisation de grands projets sont essentielles pour assurer la sécurité économique et énergétique [du Canada], d’autant plus que l’avenir est de plus en plus marqué par une conjoncture géoéconomique et géopolitique incertaine.»

La Chambre ajoute cependant que le gouvernement doit veiller à ce que ces nouveaux pouvoirs «soient utilisés de manière responsable et dans le plein respect des droits des communautés autochtones et des normes environnementales».
Les effets sur l’industrie du génie civil
L’Association des firmes de génie-conseil du Québec (AFG) est aussi favorable à la LUEC. «La Loi devrait éviter les chevauchements dans la réalisation des évaluations fédérales et provinciales, affirme le président-directeur général de l’AFG – Québec, Bernard Bigras. Avoir trois ou quatre évaluations environnementales pour un même projet n’est pas souhaitable.» Cet ancien député du Bloc québécois connaît bien le sujet puisqu’il a été vice-président du Comité permanent de l’environnement et du développement durable à la Chambre des communes du Canada pendant plusieurs années.
La LUEC n’ayant été adoptée que très récemment, M. Bigras souligne que les détails vont se préciser au cours des prochains mois lors de l’adoption des règlements. «Les lois environnementales doivent continuer à s’appliquer sur le territoire québécois, plaide-t-il toutefois. Le gouvernement de M. Carney s’est d’ailleurs engagé à continuer à travailler avec les provinces sur l’évaluation des projets. L’enjeu principal sera l’acceptabilité sociale.» Il y a un bon défi à relever de ce côté, car les groupes environnementaux et les nations autochtones ont déjà exprimé des réserves face au projet de loi.
Moins de paperasses, plus d’ingénierie
M. Bigras se dit aussi préoccupé par la lourdeur du processus pour obtenir des permis à l’échelle fédérale, provinciale et municipale. «Il est décevant de voir que les ingénieurs font plus de paperasse que de projets. Plus d’ingénierie et moins de bureaucratie sont souhaitables, dit-il. La récente loi permettra d’atteindre cet objectif.»
La loi devrait éviter les chevauchements dans la réalisation des évaluations fédérales et provinciales. Avoir trois ou quatre évaluations environnementales pour un même projet n’est pas souhaitable.
— Bernard Bigras
L’effet sur le développement régional
La LUEC aura aussi un effet sur le développement régional. Sera-t-il positif ou négatif? Jean-Philippe Meloche, professeur titulaire à la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal, croit que l’allègement du processus proposé dans la nouvelle législation pourrait réduire le coût des projets et permettre à certains de se réaliser dans les régions.
Au Québec, l’un des projets régionaux qui pourraient se réaliser rapidement est l’expansion du port de Montréal à Contrecœur, un investissement estimé à 1,6 G$. Il s’agit d’un nouveau port, où transiteraient 1,15 million de conteneurs chaque année et jusqu’à 1 200 camions par jour, en plus d’une gare ferroviaire de triage de sept voies.
Ce projet est jugé prioritaire, car il permettrait d’accroître les exportations de biens du Canada vers l’Europe (dans un objectif de réduire notre dépendance économique envers les États-Unis).
La façon dont on choisira d’évaluer les projets sur le plan environnemental sera toutefois un enjeu important, selon lui. «Si un projet passe par trois provinces et que l’on choisit le processus d’évaluation le plus permissif, cela ne sera pas positif», dit-il.
M. Meloche se dit aussi favorable à une réduction des instances chargées d’étudier les projets, car cela a pour effet d’alourdir le processus. Enfin, il considère l’élimination des barrières interprovinciales comme une bonne chose, qui devrait profiter aux régions. ■



