Collaboration et innovation dans la construction : une transformation nécessaire
L’industrie de la construction québécoise doit miser sur la collaboration, selon l’Institut de gouvernance numérique
Dans un contexte de transformation numérique et d’exigences croissantes en matière de productivité, l’industrie de la construction québécoise fait face à un défi de taille : repenser ses modes de collaboration. Dans un atelier donné au Congrès annuel de l’ACRGTQ, Jean‑François Gauthier, PDG de l’Institut de gouvernance numérique (IGN), a mis en lumière les obstacles qui empêchent les acteurs du secteur d’établir une meilleure coopération ainsi que les occasions d’y arriver et les outils pour ce faire.
par Elsa Bourdot
La collaboration au cœur de l’avenir de la construction
«Si on ne change pas nos pratiques, l’industrie de la construction continuera de s’essouffler», affirme M. Gauthier. Fort d’une expérience de plus de 10 ans à la tête de l’OBNL, il observe les enjeux de ce secteur en mutation rapide, où la gestion fluide de l’information et la transparence deviennent essentielles.
Pour lui, le constat est clair: «À l’ère du numérique, gérer l’information, c’est gérer une énergie. Cela passe par une circulation fluide et une collaboration renforcée entre toutes les parties prenantes d’un projet.»
Des obstacles majeurs à surmonter
Mais la route vers cette transformation est semée d’embûches. Le PDG de l’IGN identifie deux freins majeurs: la judiciarisation croissante du secteur et un profond manque de confiance entre les parties prenantes. «Nous vivons encore sous [le poids de] l’héritage de la Commission Charbonneau. Les entreprises et les donneurs d’ouvrage se regardent avec méfiance. Et tant qu’il n’y aura pas de confiance minimale, collaborer efficacement restera un défi.»
À cela s’ajoutent des environnements contractuels complexes et une réglementation lourde qui freinent l’innovation et la mise en place de nouveaux modes de travail.

Un changement culturel urgent
Pour Jean-François Gauthier, la clé réside dans un changement culturel profond. Il souligne l’urgence d’adopter des valeurs de transparence, de participation et de partage des risques. «Si l’industrie continue à croire qu’elle peut fonctionner comme il y a 20 ou 30 ans, elle va droit dans le mur. Il est temps d’organiser la collaboration de façon complètement différente.»
Un tel changement passe par la formation et l’accompagnement des équipes. «La formation est essentielle, que ce soit sur le plan initial ou en continu. Nous devons former non seulement les entreprises, mais aussi les donneurs d’ouvrage afin qu’ils adoptent des pratiques collaboratives adaptées aux enjeux d’aujourd’hui.»
Le BIM et d’autres outils comme catalyseurs
Parmi les méthodologies clés, M. Gauthier met en avant le BIM (Building Information Modeling), une maquette numérique partagée par toutes les parties prenantes. «Le BIM est un outil qui structure la collaboration en permettant à chacun d’apporter sa contribution à un projet unique. Cela réduit les conflits en phase de construction et facilite la gestion et l’entretien des actifs à long terme.»
Cependant, il insiste sur le fait que l’enjeu principal n’est pas technologique, mais humain. «L’adoption du BIM ou d’autres outils nécessite un changement de mentalité et une préparation adéquate des équipes.»
Des bénéfices concrets pour les projets
Quels sont les bénéfices attendus de ces approches collaboratives? Selon le PDG de l’IGN, ils sont multiples. «Une meilleure gestion des risques, des projets livrés avec moins de conflits et, surtout, une optimisation des ressources pour répondre aux défis gigantesques qui nous attendent, comme la mise à niveau des infrastructures québécoises.»
Au-delà des gains de productivité, il souligne aussi l’importance de redonner confiance aux parties prenantes. «Construire ensemble les infrastructures de demain, c’est aussi reconstruire la confiance entre les acteurs du secteur», insiste-t-il.
Construire ensemble les infrastructures de demain, c’est aussi reconstruire la confiance entre les acteurs du secteur.
— Jean-François Gauthier
Passer à l’action
Pour les entreprises souhaitant amorcer ce virage, Jean-François Gauthier insiste sur trois éléments essentiels. Tout d’abord, il encourage vivement la mise en place de formations sur la collaboration et la gestion de l’information au sein des équipes, car, selon lui, il est impératif de se former dès maintenant pour anticiper les transformations à venir. Ensuite, il préconise de faire vivre des projets pilotes afin de tester ces nouvelles approches dans des environnements internes, ce qui permet de mieux les comprendre et d’expérimenter leurs bénéfices. Enfin, il rappelle l’importance de s’entourer des bonnes expertises. Un accompagnement neutre et indépendant est crucial pour éviter des erreurs coûteuses et maximiser les chances de réussite.
Une transformation incontournable
Alors que la collaboration devient un levier essentiel d’innovation dans la construction, M. Gauthier conclut avec un message d’espoir: «Ne perdez pas confiance. Avec les bons outils et la volonté de changer, l’industrie québécoise de la construction peut relever les défis colossaux qui l’attendent et bâtir un avenir durable.» ■